Voilà ce qu’on pouvait entendre dans un groupe de discussion mené par Destin commun pour son étude Bonheur à la française, être heureux dans un monde qui va mal (2024).
Peut-être que, comme moi, vous avez déjà eu ce genre de conversation, et que vous vous demandez si la réalité n’est pas plus réjouissante.
Il se trouve que oui, et c’est pour ça que j’avais envie de vous écrire aujourd’hui. 👀
La preuve du contraire
Alors certes, une large majorité d’entre nous préfère rester tranquille à la maison plutôt que de sortir et voir des gens, c’est ce que l’étude a baptisé « l’effet cocon ». Notre bonheur est épicurien avant d’être humaniste, et pourtant… en France, plus d’1 personne sur 3 donne de son temps gratuitement pour les autres ou pour contribuer à une cause (Baromètre IFOP 2024). Ça fait 12,5 millions - dont 5,5 millions chaque semaine ! Ça fait du bien de se le dire, non ?
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Je vous vois venir, les sceptiques : « Ça fait toujours 2 personnes sur 3 qui n’en donnent pas ! ». Eh bien sachez qu’en plus des personnes qui donnent de leur temps, 1 sur 4 déclare en avoir déjà donné - et permettez-moi de faire l’hypothèse qu’elles pourraient sévir à nouveau. 😇
« Égoïstement, c'est agréable de se sentir utile »
C’est ce qu’a déclaré un de nos bénévoles quand on lui a demandé ce qu’il avait le plus apprécié dans le programme 1h pour changer le monde. Je ne lutterai pas contre celles et ceux qui pensent comme Ayn Rand que l’égoïsme est une vertu. Après tout : « l’épanouissement personnel », « l’acquisition de nouvelles compétences et la reconnaissance sociale » font partie des principales motivations citées par le Baromètre d’Opinion des Bénévoles (2024). Bon, elles sont certes devancées de loin par « l’envie d’être utile et d’agir pour les autres » ou « pour une cause » - mais l’altruisme ne serait-il pas un égoïsme sain ?
En tant que formatrice et animatrice de communauté à Latitudes, ce qui m’importe surtout, c’est de traduire ces motivations en actions. Pour paraphraser bell hooks dans son essai À propos d’amour (2000) : la générosité, c’est ce que l’on fait. La générosité est un acte de volonté, c’est-à-dire désir et action, conjointement.
S’engager ne veut pas dire « être bénévole » par définition
Il y a aussi celles et ceux qui donnent de leur temps sans forcément y penser comme un acte volontaire. Ce sont les petites attentions du quotidien : passer du temps avec des grands-parents, aider un voisin qui a besoin de courses, ou encore prendre le temps d'écouter quelqu'un qui traverse une période difficile. Ces gestes, souvent invisibles mais essentiels, sont en majorité réalisés par des femmes. Ils font partie de ce que la philosophe et psychologue Carol Gilligan a nommé éthique du care (prendre soin, en anglais). Sans étiquette, sans récompense, juste parce qu'on a à cœur d'être là pour les autres, sans attendre de retour. Et, parfois, c’est précisément ce type de soutien informel qui tisse le lien social le plus fort (c’est le fameux « bénévolat hors organisation » qu’on retrouve sur le schéma du dessus).
Mais alors qui sont ces gens qui s’engagent ?
Une précision pour les fans de stats : sur les 38% qui donnent du temps gratuitement, 24% le font dans des associations, 18% pour des proches et 6% au sein d’autres organisations comme l’école, l’église ou la mairie. Les personnes qui s’engagent avec Latitudes sont assez représentatives du premier bloc :
- Majoritairement des hommes de classes moyennes ou aisées, vivants en ville. Même si certains de nos programmes sont plus investis par les femmes (par exemple, la Bataille de l’IA) et qu’une partie de nos bénévoles habitent à la campagne car ils et elles peuvent se former et agir à distance avec nous.
- Nous n’échappons pas à la « fracture associative », qui décrit le faible taux d’engagement des personnes moins diplômées dans les associations (attention, elles s’engagent, par ailleurs, hors association).

Quelques traits spécifiques
Les bénévoles Latitudes ont cependant quelques traits bien à elles et bien à eux, probablement attirés par le format de nos activités (réalisables à distance, ponctuellement et en autonomie) et les sujets que nous traitons (la tech & l’éducation) :
- Nos bénévoles sont plus jeunes que la moyenne. C’est aussi dû à une évolution récente : en France, les 15-34 ans sont désormais ceux qui présentent le plus fort taux d’engagement, devant les 65 ans et + qui se démarquaient jusqu’en 2022.
- Nos bénévoles s’engagent surtout ponctuellement dans l’année : En l'espace d'une heure, j'ai pu comprendre puis aiguiller la réflexion d'une personne non-tech. Merveilleux ! Tanguy, 25-35 ans, bénévole d’1h pour changer le monde. En France pour grossir le trait, 1/3 des bénévoles associatifs donnent du temps chaque semaine, 1/3 chaque mois et 1/3 ponctuellement dans l’année.
- Nos bénévoles sont pour la plupart actifs professionnellement, et nous misons de plus en plus sur le mécénat de compétence : Cyber For Good m'a permis de me sentir utile, de constater rapidement l'impact de mes actions et de donner encore plus de sens à mon job ! Philippe, entre 36 et 50 ans, bénévole d’1h pour changer le monde. Notre taux de bénévoles en transition professionnelle augmente aussi, avec ses particularités : des personnes très disponibles pendant quelques mois puis plus du tout. On les appelle parfois entre nous les « étoiles filantes ».
Mais comment fait-on pour engager tout ce beau monde et défier l’effet cocon dont on parlait plus haut ? Je veux dire, à part avoir des programmes hyper cool (en toute objectivité bien sûr 😎) il y a bien une recette secrète… mais rassurez-vous, on ne va pas la garder pour nous bien longtemps ! On vous dévoile les ingrédients dans un prochain hebdo.
Spoiler, c’est une recette de famille héritée de Makesense et fertîle.
📸 Photo réalisée par le groupe M6 durant un atelier Future of Tech