Comment répondre à la frénésie technologique actuelle ?
Deux ans et demi, c’est à peine le laps de temps qui nous sépare du lancement officiel de la première version de ChatGPT, qui a résolument bousculé les codes de la tech. Depuis les acteurs du numérique, tout autant que les décideurs et décideuses politiques sont en ébullition et les annonces se succèdent à un rythme effréné. Rien qu’en 3 mois, on a vu se succéder la sortie de Deepseek R1 et ses quelques 10 millions de téléchargements, le sommet pour l’action sur l’Intelligence Artificielle ou encore InvestAI, le plan d’investissement européen pour mobiliser 200 milliards d'euros pour l'IA.
Comment réagir face à une telle profusion d’informations ? Chez Latitudes, plutôt que de chercher à répondre à la frénésie actuelle, nous avons ressenti le besoin de réaffirmer notre choix de concevoir des outils pour comprendre et penser le numérique dans le temps long. Nous avons cherché à mettre des mots sur l’intention que nous souhaitions porter dans les prochaines années pour naviguer avec davantage de sérénité.
Coïncidence fortuite, dans deux ans et demi Latitudes aura 10 ans. Un jalon symbolique, certes, mais qui nous force aussi à prendre un pas de recul et à nous questionner sur ce que nous souhaitons laisser si le projet Latitudes venait à s’arrêter : de quoi serions-nous réellement fiers et fières ?
C’est pourquoi nous ouvrons un cycle stratégique 2025/2027 que nous avons décidé d’intituler « Bienvenue dans le temps long ».
Bienvenue dans le temps long
Depuis 2017, notre ambition reste inchangée, accompagner les citoyens et citoyennes à se réapproprier le numérique - d’une part, en développant l’esprit critique de chacun et chacune sur le numérique, d’autre part en offrant la possibilité d’expérimenter un numérique acceptable - c’est-à-dire un numérique construit en collectif, circonscrit à l’essentiel, soucieux du vivant et de ses utilisateurs et utilisatrices.
En 2024, ce sont 21 500 personnes qui ont participé à une action avec Latitudes pour comprendre ou agir sur le numérique et plus de 550 bénévoles qui se sont mobilisés pour porter la voix d’un autre numérique. C’est une belle étape mais loin d’être suffisante.
Nous sommes convaincus que notre engagement fait sens si et seulement si nous arrivons à l’ancrer dans le temps long, en construisant des actions qui peuvent durer, même sans nous. Par exemple, en outillant les acteurs de la formation à enseigner ce numérique acceptable ou encore en contribuant à l’évolution des référentiels qui régissent le numérique actuel.
Par ailleurs, faire le pari du temps long, c’est refuser l’instantanéité qui règne en maître et faire le choix de la robustesse dans la période d’incertitudes à laquelle nous faisons face. C’est s’appuyer sur les forces en présence et en prendre soin, notamment en construisant petit à petit un socle de partenariats durables avec les établissements d’enseignement du secondaire et du supérieur ou encore les réseaux institutionnels.
Enfin envisager le temps long, c’est faire preuve de lucidité et d’humilité face à la mission que nous nous sommes donnée avec Latitudes, tout simplement accepter qu’il faut du temps pour imaginer, enseigner et in fine faire advenir un numérique plus acceptable.
4 intentions pour faire vivre le temps long
Pour les prochaines années, nous avons posé quatre intentions principales qui viennent réaffirmer une trajectoire vers notre cap commun de réinventer le numérique. Des intentions ancrées dans l’existant et qui laissent aussi la place pour construire de nouvelles actions, dont les bénéfices seront à mesurer dans le temps long.
- S’allier aux établissements, enseignants et enseignantes
Depuis la création de Latitudes, notre parti pris est d’agir en coopération et sans réinventer la roue. Nous avons la conviction que nous devons agir main dans la main avec les établissements dont la mission est déjà celle de former les générations de futurs professionnels, pour réinventer la manière dont on y enseigne le numérique.
Qui de plus indiqué donc que les établissements eux-même pour continuer à identifier les besoins du secteur, et choisir les communs pédagogiques à créer pour nourrir l’enseignement au numérique ? Notre réseau compte désormais plus de 300 établissements dans le secondaire et le supérieur : ce sont sur les liens tissés avec ces acteurs au fil des années que nous souhaitons capitaliser.
Outre les organisations, ce sont aussi et surtout les individus qui les composent que cherchons à embarquer à nos côtés. Depuis déjà 2 ans, nous accompagnons les enseignants et enseignantes à prendre en main les contenus et outils existants, car une fois outillés, ce sont eux et elles qui pourront les utiliser, les améliorer en autonomie et ce pendant très longtemps.
- Faire confiance à nos bénévoles
C’est la grande réussite des 2 dernières années : plus de 550 personnes engagées à nos côtés chaque année pour déployer des ateliers de sensibilisation, accompagner des associations ou mentorer des étudiants et étudiantes. Ce sont eux et elles qui font vivre Latitudes.
Alors pour continuer à faire vivre Latitudes dans la durée, nous avons bien conscience que cela passera par le fait prendre soin de notre communauté de bénévoles, à la fois en leur témoignant notre confiance à travers davantage de mise en responsabilité mais aussi et surtout en cherchant à leur inspirer confiance dans notre capacité à les écouter pleinement et à les célébrer à leur juste valeur.
- Assumer des contenus engagés
C’est peut-être sur cette intention que nous avons le plus de travail sur les prochaines années. Jusqu’alors, nous portions fièrement mais timidement notre vision du numérique. Force est de constater qu’elle résonne avec un grand nombre d’acteurs, en témoigne le réseau de partenaires sur lequel nous pouvons nous appuyer.
Nous avons à cœur de rendre nos contenus encore plus ouverts et d’accompagner à leur réutilisation pour incarner que les communs pédagogiques sont un levier nécessaire pour réinventer la manière dont on enseigne le numérique. Nous visons aussi à les renforcer pour qu’ils représentent des outils pédagogiques complets, qui vont bien au-delà de la sensibilisation et s’inscrivent dans des dispositifs de formation reconnus.
Par ailleurs, l’élan collectif mentionné plus haut, mêlé à nos cheminements personnels, nous pousse à vouloir faire preuve de plus d’exemplarité dans nos pratiques. Nous voulons continuer à faire de notre mieux pour nous mettre en cohérence avec la vision du numérique que nous portons. Par exemple, en re-questionnant notre présence sur les réseaux sociaux ou visant l’utilisation de davantage d’outils libres pour prouver que cet autre numérique est atteignable.
Enfin, nous voulons prendre notre plume plus régulièrement pour partager haut et fort nos convictions. C’est déjà le cas avec la publication de nos hebdos (dont celui-ci !) qui nous forcent à prendre le temps de lire, de digérer les actualités politiques et numériques et de raconter le numérique de demain.
- Prendre soin de nous
Depuis nos débuts, nous nous interrogeons sur le modèle d’organisation que nous souhaitons construire et nous devons le dire : Latitudes est un formidable terrain de jeu !
Cela fait bientôt 8 ans que nous nous sommes donné l’opportunité d’imaginer une organisation assez flexible pour être réellement à l’écoute des besoins de chaque personne, basée avant tout sur la transparence et la responsabilisation, et qui s’évertue à prendre soin de ses membres. La construction de notre modèle de rémunération transparent, démocratique et équitable fin 2023 en est un bon exemple. Pour les curieux et curieuses, vous pouvez retrouver les détails de ce chantier dans un article de blog.
Alors pour 2025, nous gardons le cap et nous faisons le choix d’investir dans des recrutements clefs afin de continuer à grandir sereinement et d’expérimenter la réduction de notre temps de travail - dont on ne vous dévoile pas tous les secrets tout de suite, et pour cause : elle est en cours et fera certainement l’objet d’un futur article !
L’engagement est un sport de longue haleine, nous le savons. Alors, prenons soin de nous et offrons-nous le luxe de penser nos actions dans la durée.